Les transports à l’horizon 2050

Publié le par ginette beugnet le roch

s venirette étude a été réalisée par les Ponts et Chaussées. Elle est exclusivement centrée sur les flux de transport concernant le territoire français métropolitain. Elle est un document de travail et de discussion en vue de construire une vision sur l’avenir des transports en France dans les 50 prochaines années.

 

L’étude présente quatre images possibles du système de transport à l’horizon 2050, sous la forme de quatre scénarii définis à partir de critères socio-économiques. Leur construction intègre certains éléments du contexte mondial et européen, qui sont apparus déterminants pour éclairer le long terme, comme :

- la démographie et en particulier le vieillissement de la population et la localisation des populations (concentration ou désertification de certains territoires ?) ;

- les énergies disponibles dans les décennies à venir ainsi que les interrelations entre le transport et l’effet de serre ;

- la situation économique (quelle évolution dans la mondialisation ? quelle croissance du PIB ?, etc.) vers laquelle nous pourrions évoluer ;

- les évolutions technologiques, notamment celles relatives aux motorisations et aux carburants propres.

 

1.     QUELLES ALTERNATIVES ÉNERGÉTIQUES POUR LES TRANSPORTS À L’HORIZON 2050 ?

 

Tous les scénarii conduisent à un accroissement de la mobilité par rapport à 2004. Ils sont d’abord fondés sur une importante réduction de la consommation unitaire des véhicules légers, de 154 g/km aujourd’hui à une fourchette de 90 à 120 g/km suivant les scénarii. Il n’en reste pas moins nécessaire de trouver des substituts non carbonés aux produits pétroliers pour satisfaire les objectifs de développement durable. Trois voies sont aujourd’hui

envisagées : l’hydrogène, l’électricité et les biocarburants.

  •      L’hydrogène n’a pas été privilégié à l’horizon 2050. Il faut en effet résoudre le quadruple problème de sa fabrication, de sa distribution, de son stockage et d’une motorisation adaptée.
  •      Le véhicule électrique devrait se développer pour les trajets courts mais son usage est limité par les difficultés de stockage (poids et encombrement des batteries). La production d’électricité sans émission de CO2 implique un choix en faveur du nucléaire.
  •      Les biocarburants et la biomasse ont été privilégiés dans cette étude. Certes, les biocarburants d’origine agricole (éthanols et esters) ont des rendements limités qui conduisent rapidement à une concurrence avec les surfaces destinées à l’alimentation humaine, au moins en Europe. L’utilisation de la totalité de la biomasse est une nouvelle voie qui paraît prometteuse. Le rendement net (20 tonnes de matière sèche produisant de 2 à 5 Tonnes équivalent pétrole (TEP) de carburant à l’hectare) est élevé et il est possible d’utiliser des terres non agricoles (forêts, prairies, landes, qui représentent 230 000 km2 sur les 450 000 km2 d’espaces naturels français). Dans ces scénarii, cette énergie, qui a un bilan nul en émission de CO2, pourrait fournir jusqu’à 50 % des carburants liquides nécessaires aux transports (scénario 1), en mobilisant 80 000 à 100 000 km2.

Parmi toutes ces potentialités, le système “véhicule hybride rechargeable + carburant  apporté par la biomasse” a été considéré comme une technologie de référence pour la construction des scénarii. Mais dans quels délais et à quelles conditions techniques, économiques et financières ces technologies sont-elles susceptibles de se développer à grande échelle ? Et quel serait le partage des différentes sources d’énergie disponibles entre les secteurs de l’économie ? Cette double incertitude n’a pas été explicitée dans la construction des quatre scénarii.

 

2.     Synthèse générale

 

Même si les évolutions sont différentes suivant les scénarii, une tendance générale à une modération de la croissance des flux, exprimés en volume de transport, est manifeste.

 

Sur les 50 prochaines années, plusieurs inflexions vont se produire concernant les vitesses et les coûts des transports :

- la motorisation des ménages est arrivée à maturité : passée de 65 à 80 % de 1975 à 2002, elle reste stable entre 1998 et 2003 ; ce taux progressera peu dans les 50 prochaines années,même si le nombre de ménages possédant deux voitures deviendra plus important ;

- les vitesses offertes par les différents réseaux ne s’accroîtront plus, sauf émergence dans les 50 ans d’un nouveau mode de transport économiquement viable (cette hypothèse est jugée improbable) ; elles risquent même de stagner, voire de diminuer, pour des raisons d’exploitation des réseaux, de sécurité ou d’environnement ;

- le prix des transports a plusieurs raisons d’augmenter (au mieux de stagner) en raison des règles plus sévères en matière d’environnement et de sécurité, et surtout du coût des ressources énergétiques ; parallèlement, la croissance annuelle du revenu des ménages sera moins élevée : de l’ordre de 1,3 % par an au lieu de 2,1 % au cours des 20 dernières années.


Les principaux enseignements sont les suivants :

Une croissance modérée de la mobilité locale quotidienne (- de 50 km). Cette croissance faible, de l’ordre de 10 à 40 % sur la période 2000-2050 selon les scénarii tient pour ce type de déplacements :

- au ralentissement de la croissance de la population ;

- aux limites du temps quotidien qui peut être consacré aux transports, qu’il s’agisse des déplacements domicile-travail et/ou des déplacements domicile-loisirs ; la vitesse des déplacements n’augmentant pas, les distances parcourues resteraient stables ;

- quel que soit le scénario, la part des déplacements locaux contraints diminuera du fait de la généralisation des services à distance (banque, administration, billetterie à court terme) ; il faut également s’attendre à une baisse des déplacements pour des visites médicales (télémédecine), les courses (e-commerce) et pour le travail (téléconférence, télétravail). Ces déplacements à courte distance resteraient cependant la part prépondérante (59 à 64 % selon les scénarii) de la mobilité globale des personnes (cette part était de 74 % en 1975 et de 68 % en 2002). Le volume et la répartition de cette croissance entre modes de transport seraient peu sensibles au contexte socio-économique global (revenus, périurbanisation) mais plus aux politiques locales de transport (vitesse automobile, offre de transport collectif). Le potentiel de croissance des transports collectifs dans les grandes agglomérations reste très important. Toutefois, rapportée à l’ensemble des déplacements quotidiens à courte et moyenne distance (dont la grande majorité se situe en périphérie des agglomérations et dans les zones à faible densité), la part des transports collectifs resterait très minoritaire.

 

Le transport de marchandises va structurellement évoluer comme les échanges industriels, c’est-à-dire à un rythme plutôt inférieur à celui de la période passée (sachant également que la part des transports massifiés – minerais, céréales, matériaux de construction… –, déterminante pour la répartition modale, va diminuer), mais avec des écarts ou incertitudes très importants selon les perspectives économiques de la France et de l’Europe. La part des échanges internationaux et du transit se développera plus vite que celle du trafic national. Il faut cependant noter que le trafic de transit est essentiellement déterminé par l’évolution des économies espagnole et italienne, développement qui ne sera pas forcément parallèle à celui de l’économie française. Les écarts entre les scénarii varient selon le type de croissance (davantage tournée vers l’industrie ou vers le tertiaire) :

- les scénarios 1 “Gouvernance mondiale et industrie environnementale” et 4 “Gouvernance européenne et régionalisation” montrent un ralentissement dans la croissance des flux de transport intérieur avec une augmentation d’environ 1 %/an entre 2002 et 2050 ;

- dans le scénario 2 “Repli européen et déclin”, le transport intérieur baisserait après 2025 pour retrouver un niveau un peu supérieur à la situation 2002 ;

- le scénario 3 se traduirait par une forte croissance globale des flux de marchandises et par une concentration sur les grands axes terrestres de transit et sur les ports méditerranéens. Cette croissance du transit pourrait être inférieure compte tenu de l’utilisation possible des voies maritimes alternatives entre l’Europe et les pays du Maghreb.

Dans les scénarios 1, 3 et 4, ce n’est pas la croissance moyenne des trafics qui devrait en soi poser problème, mais la concentration de cette croissance sur les ports et les axes de transit et d’échanges internationaux.

 

Les objectifs de diminution de la dépendance énergétique et des émissions des gaz à effet de serre doivent être poursuivis par un transfert vers des solutions modales plus économes en énergie ou par des évolutions des technologies des modes de transport (véhicules et carburants).

 

Cette évolution résultera des progrès de la recherche, stimulée et appliquée industriellement grâce aux mesures de régulation. Il y a peu de doute que toutes les grandes économies développeront une recherche importante pour s’affranchir au moins des contraintes liées à la décroissance des ressources en pétrole, et pour la plupart pour diminuer l’importance du changement climatique. C’est déjà le cas des Etats-Unis d’Amérique ou des sociétés japonaises. C’est probablement plus l’Europe que la France seule qui peut apporter une contribution à cette recherche mondiale mais aussi une meilleure chance aux industries européennes de disposer des techniques les plus pertinentes et les plus compétitives. Quelle que soit l’évolution du contexte mondial, il apparaît aujourd’hui que la priorité repose sur la recherche et le développement dans les domaines ;

- du véhicule hybride rechargeable pour le véhicule particulier ;

- de la production d’une électricité sans carbone ;

- des carburants de synthèse issus de la biomasse.


L’un des enjeux majeurs de la politique européenne devrait porter sur des mesures de régulation, telles que normes énergétiques des véhicules (voitures et poids lourds) ou des carburants (part minimale de carburants “propres”), taxes ou marchés de permis…, destinées à favoriser l’émergence et la diffusion à grande échelle des technologies permettant de limiter les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre.


La capacité totale du réseau routier national serait augmentée d’environ 40 %20. Dans une perspective de croissance de 80 % à 120 % du trafic routier interurbain, ces aménagements devraient donc suffire à assurer la fluidité du trafic

Dans les régions en forte croissance démographique, les grandes aires urbaines comme Marseille, Nice-Côte d’Azur, Nîmes-Montpellier, Toulouse, vont se trouver confrontées à de fortes pressions foncières et à des difficultés croissantes de fonctionnement, si elles ne se donnent pas les moyens de maîtriser leur développement et leur organisation urbaine.

Pour l’axe rhodanien, les scénarii aboutissent à une très forte croissance du trafic voyageurs entre 2000 et 2050 sur le réseau routier (perspective de doublement) et, en fonction des hypothèses, à une croissance du trafic de fret de + 50 % à + 100 %. De tels niveaux poseront des problèmes aigus de capacité routière, mais également ferroviaire, dès l’horizon 2020 ; Pour l’axe atlantique, on retrouve des perspectives de doublement du trafic voyageurs et de croissance du trafic de fret entre + 50 % à + 150 % selon les modalités de la croissance économique de la péninsule ibérique et de ses échanges extérieurs.


L’aménagement de lignes nouvelles à grande vitesse décidées au CIADT du 18 décembre 2003 permettra d’achever un réseau puissant de LGV reliant Paris, les grandes métropoles françaises et les métropoles européennes voisines (Londres, Bruxelles, Francfort, Milan, Barcelone), avec des durées de trajet de l’ordre de 2 à 4 h et des perspectives de croissance du trafic voyageurs entre + 100 % et + 200 %, selon les scénarii.


Aujourd’hui, les aéroports de Paris (Roissy et Orly) accueillent plus de 70 % du trafic aérien international sur le sol métropolitain, dont la quasi-totalité des vols longs courriers. Même avec des perspectives de croissance du trafic international nettement plus faibles que par le passé et une stagnation des trafics intérieurs, la capacité de ces aéroports peut être insuffisante à un horizon de 50 ans. La capacité technique au sol des deux aéroports (pistes, parkings avions et installations terminales) permettrait en théorie de doubler le trafic actuel.


Le trafic annuel des ports français s’élevait en 2002 à 350 millions de tonnes, dont environ 50 % de produits pétroliers, 25 % de vracs solides et 25 % de marchandises diverses. C’est ce dernier trafic qui croît actuellement très rapidement, notamment pour sa composante trafic de conteneurs, soit environ 30 millions de tonnes réparties pour l’essentiel entre les ports du Havre et de Marseille à raison de deux tiers un tiers. D’ici à 2050, ce trafic de conteneurs pourrait être multiplié entre trois et cinq fois selon les scénarii. De telles perspectives impliqueraient, au-delà des investissements déjà en cours et programmés, de réserver pour ces deux grands ports d’importantes possibilités d’extension des terminaux à conteneurs (y compris au Havre par restructuration du port actuel), ainsi que les accès terrestres nécessaires, compte-tenu de la concentration de ces trafics à proximité des ports et sur les axes multimodaux de la vallée du Rhône et de la Seine.


Au-delà des transformations prévisibles (vieillissement, composition des ménages, rythmes d’activité, pouvoir d’achat), d’autres changements sociaux ou culturels des modes de vie peuvent intervenir d’ici à 2050 et conduire à des ruptures en matière de mobilité.


Si la localisation de l’habitat a des conséquences limitées sur le volume global des flux de transport, elle aura des effets importants sur l’environnement local, la consommation d’espace, l’organisation des services de la vie quotidienne (le ramassage scolaire, les services aux personnes âgées...), ou l’équilibre des territoires (métropoles, villes moyennes, zones rurales isolées…). Sous cet angle, la mobilité est un facteur puissant de redistribution économique (valeurs foncières, coûts des services publics liés à l’habitat), sociale (devenir des lotissements périurbains) et environnementale (espaces sensibles), dont les enjeux ont été identifiés en termes qualitatifs, mais restent à évaluer en termes de “socio-économie de l’aménagement”.


Le développement du temps de loisirs s’est déjà traduit par une forte expansion des séjours touristiques des Français (75 % de taux de départ, 25 % vers l’étranger) et des visiteurs étrangers en France (75 millions de séjours annuels, dont 20 % des arrivées en avion). Quelle sera la croissance de la demande touristique d’ici à 2050 ? À quelles fréquences, sous quelles formes (résidence secondaire, amis, hôtellerie…) et vers quelles destinations, entre le tourisme régional de proximité, le tourisme à longue distance (en France ou en Europe) et le tourisme intercontinental ? Quelles seront, dans une compétition devenue mondiale, les destinations françaises privilégiées par les différentes catégories de touristes : Français, Européens, intercontinentaux…? Une démarche prospective spécifique au tourisme (et ses interactions avec les territoires) est à engager.


Les systèmes de transport sont particulièrement sensibles et vulnérables en termes de sécurité et de sûreté. Sécurité routière, ferroviaire ou aérienne, pollutions marines, risques de paralysie liés à des mouvements sociaux, malveillances ou attentats, sont le lot quotidien des responsables des réseaux et se traduisent par des coûts supplémentaires très importants, directs (maintenance technique, contrôle des usagers, sûreté des installations…) et indirects (impacts environnementaux, pertes de temps et d’usage). Quelle sera l’évolution des risques ? Comment seront-ils acceptés ? Quels coûts de prévention et de contrôle la société sera-t-elle prête à consentir ?


Le Ministère devrait ainsi développer, sur ces différents thèmes, ses efforts en matière :

- de veille stratégique ;

- de recherche ;

- de démarches prospectives complémentaires, par exemple sur l’habitat ou sur les loisirs.

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